- Détails
- Catégorie : Lutte biologique, maladies et ravageurs des plantes
- Mis à jour : jeudi 29 août 2019 11:06
- Écrit par bio-enligne.com
Feu bactérien: Symptômes, cycle biologique, développement et traitements
Le feu bactérien, causé par Erwinia amylovora, est l'une des maladies bactériennes les plus sérieuses des arbres fruitiers à pépins. Il a été décrit pour la première fois à New York aux USA en 1794. Depuis lors, cette maladie n'a pas cessé d'apparaître dans plusieurs régions du monde. Actuellement, le feu bactérien est présent dans de nombreux pays comme l'Allemagne, la France, l'Inde, la Belgique, le Canada et le Maroc.
La gamme hôte d'Erwinia amylovora est très large. Cette bactérie peut infecter plusieurs espèces végétales, plus particulièrement celles appartenant à la famille des Rosaceae. Les Pomoideae sont les plus sensibles à cette maladie bactérienne. Le poirier, Pyrus communis, et le pommier, Mallus domestica, sont les plantes hôtes les plus importantes du point de vue agricole et économique.
D'autres végétaux ont été signalés comme plantes hôtes, mais dans la plupart des cas, l'infestation a été confondue avec d'autres maladies, surtout celles causées par Pseudomonas syringae.
SOMMAIRE
I. Agent causal du feu bactérien
Le feu bactérien est causé par Erwinia amylovora. Cette bactérie a été appelée Bacillus amylovorus et Bacterium amylovorum. Cette espèce appartient à la famille des Enterobacteriaceae.
Les membres de cette famille sont Gram négatifs et anaérobies facultatifs. Les cellules d'Erwinia amylovora sont des bâtonnets droits mesurant 0,5 à 1 µm sur 1 à 3 µm. Elles sont souvent individuelles et ne formant pas de chaîne cellulaire, ne possédant pas d'endospores et sont mobiles par des flagelles péritriches. Cette Bactérie ne dégrade pas la pectine comme on le croyait avant, mais hydrolyse la gélatine.
Sur gélose nutritive à 5% de saccharose, les colonies d'Erwinia amylovora sont bombées, muqueuses, et blanchâtres à centre légèrement floculant. La température optimale de croissance est de 25°C, alors que la température maximale de croissance est de 33 à 35°C.
II. Symptômes du feu bactérien
Le nom de la maladie est descriptif du symptôme le plus caractéristique du feu bactérien. Elle induit un noircissement des tiges, des fleurs, des feuilles et des fruits comme si ces organes ont été brûlés au feu.
Les premiers symptômes du feu bactérien sur les rosacées, plus précisément le pommier et le poirier, apparaissent au début du printemps (mars et avril) quant la température et l'humidité montent. Cette période favorable coïncide avec le début de la floraison et constitue le point de départ de l'infection.
Les boutons floraux revêtent souvent un aspect humide dû à une exsudation bactérienne en surface, puis flétrissent, brunissent et noircissent démontrant ainsi un faciès de brûlure. La nécrose se développe ensuite au dépens de la pousse feuillée par l'intermédiaire du parenchyme cortical et du liber pour gagner les rameaux et charpentiers.
Les feuilles atteintes perdent rapidement leur éclat et subissent un noircissement marginal.
Les pédoncules infectés présentent, au début, un aspect humide et graisseux, puis deviennent noire-verdâtres et finissent par devenir noirâtres, laissant apparaître le plus souvent à leur surface des exsudats bactériens.
Les jeunes fruits prématurés ou très rarement les fruits mûrs peuvent être infectés. La partie infectée de ces fruits, revêt un aspect humide et huileux, devient brunâtre puis noirâtre. Les fruits infectés se momifient rapidement en restant attachés sur l'arbre. Très souvent, par temps humide, des gouttelettes constituées d'exsudat bactérien renfermant un grand nombre de cellules d'Erwinia amylovora apparaissent à la surface de ces fruits.
Cette maladie bactérienne peut progresser et atteindre les branches et même le tronc de l'arbre. La zone infectée au niveau des ces organes est souvent marquée par une décoloration grisâtre en surface. En section tangentielle, sur le front d'avance de l'infection, les tissus profonds sont encore blanchâtres. En revanche, le parenchyme cortical présente un aspect humide avec des stries brun-rougeâtres. En temps chaud et humide, la nécrose corticale se développe rapidement et peut évoluer en chancre avec production abondante d'exsudats bactériens.
En fin de végétation, des plages apparaissent à la limite des tissus morts. Des fissurations prennent place à ce niveau et le bois prend souvent une coloration brun-foncée.
Le flétrissement des rameaux et des pousses est considéré comme étant la forme la plus grave du feu bactérien et ces manifestations peuvent être extrêmement tardives.
L'apparition des exsudats bactériens en abondance en avant du front de la nécrose est très caractéristique du feu bactérien. Cet exsudat apparaît sous forme de gouttelettes blanches, lesquelles en s'oxydant virent au rouge-brique puis au brun.
III. Cycle biologique du feu bactérien
La bactérie Erwinia amylovora se conserve au verger dans les tissus vivants limitant les chancres au niveau des rameaux, des charpentiers et du tronc sous forme de gouttelettes mucilagineuses de couleur crème brunâtre. Les fruits momifiés, restant attachés à l'arbre, peuvent également constitués une source primaire de l'infection. Des oozes (exsudats) bactériennes peuvent être observées sur ces fruits. Les bourgeons infectés l'année précédente constitueraient une source d'inoculum dans les vergers où il n'y a pas de chancres dormants.
Au printemps, le mucus bactérien produit à l'extrémité des chancres est disséminé sous forme de filaments bactériens sur les fleurs ouvertes et les feuilles terminales par les vents et les pluies. Les mouches, les drosophiles, les fourmis et probablement d'autres insectes, transmettent Erwinia amylovora sur leur corps à partir des chancres aux jeunes pousses et fleurs. Les abeilles, au moment de la pollinisation disséminent le feu bactérien d'une fleur à une autre. Des infections sérieuses des rameaux peuvent aussi se produire sans l'infection des boutons floraux. Les infections peuvent commencer dans les jeunes feuilles ou pétioles et progresser pour atteindre les rameaux et les branches.
Erwinia amylovora pénètre dans les jeunes pousses et les jeunes feuilles par des voies multiples telles que les nectaires floraux, les stomates, les lenticelles et les poils glandulaires brisés situés à la base des pétioles et blessures. Dans les fleurs, la bactérie pénètre à travers le stigmate, les pétales et envahie rapidement le nectaire.
L'infection florale est très fréquente chez le poirier car ses fleurs sont plus ouvertes que celles du pommier. Chez ce dernier, les poils glandulaires et les lenticelles peuvent constituer une voie d'accès pour Erwinia amylovora au niveau des pousses feuillées.
Les cellules bactériennes d'Erwinia amylovora se multiplient dans l'espace intercellulaire et induisent une dégradation des tissus de l'hôte. Au fur et à mesure que l'invasion progresse, le tissu envahi devient d'abord décoloré et prend un aspect humide huileux avant de devenir brun, puis noire. Ce processus est fonction de plusieurs facteurs tels que la résistance relative des tissus de la plante hôte et la température.
La bactérie responsable du feu bactérien est inactive dans les tissus morts. Elle se multiplie uniquement dans les tissus vivants en entraînant la production d'exsudats bactériens ou mucus en avant du front de la nécrose. Cet exsudat, à caractère sirupeux est très apprécié par les insectes d'une manière générale et les diptères en particulier. Ce mucus se dilue facilement dans l'eau ou se disperse sous forme de filaments sous l'action du vent et assure des infections secondaires aussi bien intra-arbre que inter-arbres. L'importance de la production d'exsudat bactérien détermine pour un verger ou une région le potentiel d'inoculum printanier disponible.
IV. Facteurs favorables au développement du feu bactérien
L'importance des hôtes sensibles, l'état physiologique du végétal, la concentration de l'inoculum, les agents de dissémination, et les conditions climatiques jouent un rôle capital dans le développement du feu bactérien. Plus ces facteurs sont réunis, plus la maladie sera dangereuse et brutale.
Erwinia amylovora se multiplie sous un climat chaud et humide. La sévérité de la maladie et la rapidité de la progression de la nécrose sont maximales lorsque les tissus intracellulaires sont turgescents. Mais, les valeurs seuils à partir desquelles la maladie présente un danger in vivo restent encore très difficiles à déterminer.
Cependant, le système Billing est la seule méthode qui s'appuie sur des données scientifiques établies en laboratoire. l'infection théorique d'un organe réceptif est déterminée sur la base de valeurs de températures et de pluviométries utilisées soit séparément comme facteur limitant soit d'une manière associée. Le système Billing propose:
a. Au printemps, pendant la floraison, la température est le facteur limitant. Des températures maximales journalières supérieures à 24°C, ou des températures maximales journalières supérieures à 21°C et des températures minimales journalières supérieures à 12°C sont les plus favorables. Des pluies associées à ces jours chauds peuvent favoriser les infections. Mais des températures supérieures à 30°C sont musibles à la multiplication de Erwinia amylovora et par conséquent défavorisent le développement de la maladie.
b. En été, pendant la croissance des pousses, la pluie est le facteur limitant. Une pluviométrie supérieure à 2,5 mm est considérée comme nécessaire et suffisante. Les accidents climatiques (orage ou grêle) susceptibles de causer des blessures sont également propices à l'infection.
Sur le plan pratique, ce système manque de certaines précisions concernant les prévisions d'apparition de feu bactérien, et très souvent, des interventions non justifiées sont déclenchées. Certes, d'autres facteurs, difficilement quantifiables (concentration de l'inoculum, activité des pollinisateurs et agents de dissémination) doivent être pris en considération.
V. Méthodes de lutte biologique, préventive et culturale
Le feu bactérien est une maladie de foyer. Sous l'influence des facteurs favorables, il est capable de se généraliser très rapidement sur un verger, une zone ou polluer une région. C'est pourquoi, la lutte contre le feu bactérien doit mettre en œuvre toutes les mesures visant à éliminer sinon réduire les sources d'inoculum et les possibilités d'infection.
La lutte contre le feu bactérien est essentiellement biologique basée sur des techniques culturales qui préviennent la maladie. Elle consiste à créer des conditions défavorables au développement d'Erwinia amylovora. Ces pratiques se résument comme suit:
a. Éviter les situations humides et pratiquer des drainages corrects.
b. Appliquer une fumure équilibrée et éviter les excès d'azote.
c. Éliminer les fleurs secondaires sur les variétés les plus sensibles.
d. Utiliser des brises vent pour affaiblir son effet sur la dissémination de la bactérie.
e. Éliminer les fruits momifiés et les rameaux atteints en hiver en les coupant 20 à 30 cm au-dessous de la partie malade.
f. Badigeonner les chancres dormants à l'aide d'un liquide désinfectant.
g. Couvrir les plaies de taille.
h. Éviter la taille d'été car celle-ci augmente les risques de contamination.
i. S'assurer que les ruches, employées pour la pollinisation, ne proviennent pas d'une zone infectée avant de les placer dans le verger. Il a été démontré que dans une ruche, Erwinia amylovora peut survivre à 15°C pendant 4 semaines dans le nectar, 2 semaines dans le miel, 40 semaines dans le pollen et deux jours sur l'abeille.
j. Eau de rose et feu bacterien: Des chercheurs turcs ont très sérieusement mis en évidence l'efficacité de l'huile essentielle de rose de Damas sur le feu bactérien. On savait que l'eau de rose avait une action anti-bactérienne sur notre peau, il suffisait de le démontrer contre cette redoutable bactérie qui détruit de nombreux pommiers, poiriers et autres sorbiers. L'huile essentielle de thym a aussi montré son efficacité. C'est en fait tout un pan de recherches qui s'ouvre avec l'utilisation des huiles essentielles de plantes pour soigner d'autres plantes.